Du Pont nommé responsable de l’île
Monsieur d’Esnambuc se sentant cassé de maladie et proche de sa fin et voulant maintenir l’Etablissement de la Martinique qu’il regardait comme son ouvrage, jeta les yeux sur Monsieur du Parquet, son neveu, cousin de ce jeune gentilhomme qui fut tué à Saint-Christophe, lorsque Don Federico de Tolède en chassa les Français.
Ce jeune gentilhomme, élevé sous la discipline de son oncle, vint à la Martinique, avec quinze vieux habitants et quelques serviteurs ; il y fut reçu avec acclamations de tout le peuple, qui voyant revivre Monsieur d’Esnambuc leur cher gouverneur, dans la personne de son neveu, se promettaient une conduite aussi heureuse sous le gouvernement de celui-ci à la Martinique, qu’ils l’avaient éprouvée à Saint-Christophe, sous le commandement de celui-là.
Monsieur du Parquet appliqua tous ses soins à poursuivre cet Etablissement ; son affabilité et l’inclination qu’il avait d’obliger tous ses habitants lui gagnèrent le ceeur de son peuple : et je puis assurer, après ce que j’ai appris moi-même des habitants qui étaient à la Martinique quand il y arriva, que sa conduite et la familiarité avec laquelle il se comportait avec eux, a été l’aimant qui a attiré tant de monde et ce qui fait qu’elle est devenue aujourd’hui la plus peuplée des îles françaises. Les serpents dont cette île est pleine rebutaient les plus hardis, personne n’y osait aller et elle était si décriée que les Capitaines des navires qui passaient pour aller à Saint Christophe leur vendaient bien quelque traite, mais ne voulaient pas que les matelots y missent pied à terre. Plus on défrichait de terre et plus les habitants perdaient courage parce que n’ayant pas en ce temps-là de remède contre les morsures des serpents, aussitôt qu’un homme en était mordu, il mourait un jour ou deux après.
Mais la douceur du gouvernement de M. du Parquet arrêta les uns et attira les autres. Trois mois après son arrivée, un navire français de deux cent cinquante tonneaux vint mouiller à la rade : une vingtaine des plus hardis passagers, méprisant le péril dont ceux du vaisseau les menaçaient, descendirent à terre ; M. du Parquet les reçut avec tant de civilité, leur fit si bonne chère, et leur gagna si bien le c÷ur, qu’étant retournés au navire et ayant parlé aux autres, soixante et deux hommes résolurent de ne passer pas plus avant.
Ils furent le lendemain tous ensemble le saluer et le prier d’agréer qu’ils habitassent avec lui ; il accepta leurs offres, les embrassa, leur promit qu’il les regarderait toute sa vie comme les compagnons de sa fortune, et qu’il les considérerait toujours comme ses bons amis. J’ai ouï dire à M. du Parquet que lorsque les vingt premiers descendirent à terre, il n’avait qu’un quart d’eau-de-vie, qu’il leur offrit généreusement. Cet excès de civilité contribua sans doute à la résolution qu’ils prirent de demeurer dans l’île, ce qui servit beaucoup à I’Etablissement de la Colonie, personne depuis ce temps-là n’ayant fait difficulté de s’y habituer.
Le choix d’un si brave Gouverneur fut approuvé des Seigneurs de la Compagnie, et parce que la mort de Monsieur d’Esnambuc les empêcha de reconnaître les services considérables qu’il leur avait rendu pendant dix ou onze années, ils témoignèrent à Monsieur du Parquet, son neveu et héritier de son courage et de sa bonne conduite, en l’établissant Capitaine Général, c’est-à-dire Gouverneur de la Martinique, combien la mémoire de son oncle leur était chère et précieuse. La première Commission que la Compagnie lui en envoya est conçue en ces termes:
La Compagnie ne fait que reconnaître un état de fait. Elle a mis deux ans à se décider. Remarquons que cette fois encore les charges ont été allégées, à la suite sans doute d’une demande de du Parquet. Ce texte nous montre que les liens de subordination de la Martinique passent par Saint-Christophe. Du Parquet est théoriquement sous les ordres de son oncle. De l’Olive et du Plessis avaient obtenu un gouvernement indépendant de Saint-Christophe.