Découverte

Les difficultés avec les Caraïbes

Les « Sauvages », qui ne souffrent plus le voisinage des Européens que contre leur volonté, commencèrent bientôt après à murmurer ; et quelques-uns d’entre eux (car ils n’étaient pas tous d’un même sentiment) ayant eu différend avec les Français, il y en eut de tués de part et d’autre.

Ce fut là le commencement de la guerre qu’ils firent aux nôtres ; car ayant pris résolution d’empêcher notre Etablissement, ils n’épargnèrent rien pour réussir en ce dessein. Ils ne trouvaient point de Français à l’écart sur lequel ils ne fissent main basse, et ils paraissaient tous les jours armés à la vue du fort pour les surprendre ; ce qui fit beaucoup souffrir nos gens, qui n’osaient s’en éloigner de peur d’être surpris et cruellement massacrés. Il est vrai que les « Sauvages » y laissaient souvent des leurs ; car les Français ne sortant jamais que bien armés, ne donnaient aucun quartier à ceux qui tombaient entre leurs mains.

Les « Sauvages » pourtant ne se croyant pas assez forts, crurent que pour chasser entièrement les Français de l’île, il fallait avoir recours à leurs voisins. Pour ce sujet, ils appelèrent à leur secours ceux de la Dominique, de Saint Vincent et de la Guadeloupe ; et ayant composé un corps de quinze cents hommes, ils se présentèrent sous le fort, faisant mine d’y vouloir descendre. Monsieur du Pont, qui avait été averti de cette entreprise, avait fait retirer tous ses soldats dans le fort et fait charger trois pièces de canon de balles de mousquet, de clous et de mitraille, jusqu’à l’embouchure, et défendu que pas un de ses gens parût hors du fort ; ce qui ayant rendu les « Sauvages » hardis, qui se persuadaient que les Français, épouvantés de leur nombre, n’osaient paraître, ils s’en vinrent en foule et en confusion proche le Fort ; mais le Sieur du Pont ayant pour lors fait mettre le feu à l’un de ses canons, il fit un carnage si étrange de ces barbares, que croyant que tous les Maboyas de France étaient sortis de la gueule de ce canon pour les détruire, ils coururent avec une vitesse incroyable vers leurs pirogues et regagnèrent la mer, si épouvantés de l’effet de ce canon, que contre leur coutume, ils ne s’amusèrent point à ramasser, ni leurs morts, ni leurs blessés.

Pendant que la terreur des armes françaises épouvante les « Sauvages », nos habitants s’établissent de plus en plus, ils ne se contentent pas des places que ces Caraïbes avaient abandonnées, ils en font de nouvelles, ils abattent du bois, et ils plantent en même temps des vivres et du pétun. Les Capitaines des navires ayant appris cet établissement et l’excellence du tabac, qu’on commençait à faire, y conduisirent leurs vaisseaux et les habitants de Saint-Christophe les secoururent de toutes choses si à propos, que les « Sauvages », perdant l’espérance de pouvoir empêcher leur progrès, parlèrent d’accommodement.

Monsieur du Font les reçut avec beaucoup de douceur et d’affabilité, et leur fit entendre par son interprète, que s’il les avait repoussés par la force des armes, ce n’avait été qu’à regret, et qu’à dessein de les porter à la paix, pour vivre ensemble en bonne intelligence : qu’il était résolu de vivre avec eux comme leur frère et de porter hautement leurs intérêts en toutes sortes de rencontres ; les « Sauvages » en ayant fait autant de leur côté, la paix fut conclue sur la fin de l’année, avec une joie réciproque des deux Nations.

Le Sieur du Pont extrêmement satisfait de cet accord, qui mettait ses gens en état de s’établir et d’occuper les plus beaux quartiers de l’île, partit aussitôt de Martinique pour en porter lui même les heureuses nouvelles à Monsieur d’Esnambuc ; mais à peine eut-il appareillé, que son navire fut surpris d’une violente tempête, qui le porta à la côte de l’île d’Hispaniola, que nous appelons communément Saint-Domingue, où il fut fait prisonnier par les Espagnols, avec tout l’équipage ; et comme il paraissait quelque chose de grand en sa personne, ils le séparèrent des autres, et l’enfermèrent dans une obscure prison, où il demeura l’espace de trois ans, sans que l’on put savoir aucune nouvelle, ce qui fit croire qu’il était péri en mer Cet accident fit beaucoup souffrir les habitants auxquels il avait promis d’apporter des vivres de Saint-Christophe, ceux qu’ils avaient n’étant pas encore mûrs.
Monsieur d’Esnambuc, voyant donc qu’il n’apprenait aucune nouvelle du Sieur du Pont, envoya Monsieur du Parquet, son neveu, Capitaine d’une Compagnie, dans l’île de Saint-Christophe, pour y commander.

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