Découverte

Carnaval de Saint-Pierre antan lontan

Le fameux carnaval de Saint- Pierre n’a pas été enseveli sous les cendres. Après l’éruption de la Pelée, c’est maintenant la Martinique toute entière qui fête son Carnaval. Entre la profusion des couleurs et des costumes des groupes paradant sur les chars, la flamboyante des soirées dansantes, les rythmes fous des vidés et des groupes à pieds, le carnaval de Martinique invite à un voyage des sens dans les limbes de cette fête païenne.
Au-delà de la pure distraction, travestissements et fêtes représentent une sorte de rêve sacré, d’abandon, dans le tumulte des sons et des rythmes, à la présence, à la proximité et à la fusion des corps. C’est à cette expérience proprement initiatique qu’invite, jour et nuit durant les jours gras, le Carnaval de Martinique.

Sur les navires negriers
Le carnaval est sans cesse bridé par ceux qu’effraie l’impatience populaire qu’il suppose, même si ceux qui le pratiquent n’en sont pas toujours forcément conscients.
Durant le Moyen Âge, l’Église catholique, tout en tolérant, faute de pouvoir faire autrement, ces amusements (hérités, dans un syncrétisme d’une rare complexité, à la fois des bacchanales, des saturnales, des lupercales antiques, des grandes fêtes calendaires celtiques et gauloises, des rites propitiatoires paysans, etc.), s’est toujours attachée à les contrôler.

Mais les autorités religieuses ne sont pas seules en cause. Les autorités civiles se sont elles aussi efforcées de le contrôler, plus subtilement, en l’organisant elles-mêmes.
Le carnaval répond aussi, au-delà de la pure distraction, au besoin d’échapper à un univers, en trouvant dans l’inversion du masque la possibilité d’être autre.

Les Africains transportés aux Antilles furent d’ailleurs initiés au carnaval européen bien plus tôt qu’on ne le pense généralement, sur les navires négriers eux-mêmes.

Il se trouve que, sur les navires négriers, la nécessité où l’on se trouvait de distraire de temps en temps les futurs esclaves, de leur faire faire de l’exercice conduisit à faire participer les victimes de la traite, par petits groupes évidemment, à ces réjouissances.

Dans les habitations
La coutume du Carnaval aux Antilles fut introduite par des Français catholiques qui avaient l’habitude de se donner du bon temps avant d’affronter les rigueurs du Carême. Les demeures des riches colons étaient alors le théâtre de réceptions fastueuses, où les invités paraissaient masqués et arboraient des habits luxueux.

Plus tard, de leur côté, les esclaves se réunirent dans leur quartier, imitant tant bien que mal leurs maîtres. Mais comme dans l’art, dans la musique, la danse et le parler, ils introduisirent dans leurs manifestations les éléments originaux dont ils disposaient, créant ainsi un carnaval très spécifique, très particulier qu’ils ont marqué de leur griffe. Ils y ont introduit la musique de leur tambour, leurs croyances, leur tempérament gouailleur et satyrique.

Beaucoup de maîtres autorisèrent les esclaves à organiser sur l’habitation, et exclusivement sur l’habitation bien entendu, leur propre carnaval. Les cortèges et danses collectifs,
les défilés musicaux de Nègres furent toujours interdits par les gouverneurs en dehors des propriétés privées, et ce jusqu’à l’abolition de l’esclavage.

Au fil du temps et des événements, le carnaval martiniquais eut des hauts et des bas et même des éclipses. Cependant, quand en 1848, l’esclavage fut aboli, le carnaval fut marqué définitivement par les apports des anciens esclaves. Les scènes de la coupe de la canne parodiaient leur ancien métier et le ridiculisaient.

Manifestations carnavalesques a Fort de France
Fort-de-France tarda à prendre le relais car l’élite et la bonne société boudaient ces festivités populaires et en parlaient avec dédain.
À Fort-de-France qui était la ville gouvernementale, ville de garnison, de soldats, de marins et de gendarmes, la petite bourgeoisie semblait craintive de se produire.
A cette époque, au chef lieu, tout était militarisé, les réceptions ofcielles, les réjouissances publiques, les cérémonies religieuses, les processions même, etc.
La population de Saint-Pierre n’avait jamais connu de près la contrainte, la peur du gendarme, la pression gouvernementale. Elle avait toujours galopé sans martingale au gré de ses caprices.
Mais ses caprices ne l’ont jamais conduite au bord de l’abîme, car la Nature l’avait dotée d’admirables qualités.

Puis c’est le Vidé qui va déferler avec un bruit de tonnerre sur la ville endormie! Que de scènes pittoresques et amusantes qui se déroulaient J’ai vu des vieilles, livre de messe et chapelet en main, se dirigeant vers la cathédrale pour assister à la première messe, se jeter ou se laisser emporter dans le tourbillon de cette gymnastique, plus sélect,plus aristocratique que le Vidé de Bagoë.

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