Le Manioc
Le Manioc est un arbrisseau à tiges noueuses et à racines tubéreuses, de la famille des Euphorbiacées, du genre Manihot (du mot brésilien « Mandihocat). Il peut atteindre de 1,50 m à 2 m de haut.
Originaire du Brésil et probablement de toute l’Amérique tropicale, il a certainement été introduit dans nos îles par leurs premiers occupants connus, les Arawaks et surtout les Caraïbes, qui faisaient de fréquentes expéditions dans les Grandes et les Petites Antilles, ainsi que sur le continent. Donc cette plante existait déjà en Guadeloupe et en Martinique, aux premiers temps de la colonisation. Voici ce qu’en dit le R.P. Du Tertre dans son « Histoire Naturelle des Antilles habitées par les Français .
« Tout le monde s’étonne dans la France, de ce que dans toutes les îles, il ne croît point de blé et admire en même temps comme les hommes peuvent vivre d’un pain de racine, dont le suc est un poison qui tue un homme d’une seule cuillerée ; et les sauvages au contraire estiment les Français malheureux, parce qu’en leur pays il n’y a point de Manioc…
Il existe plusieurs sortes de Manioc
On distingue les Maniocs doux des Maniocs amers, depuis longtemps, puisqu’il paraît que les Caraïbes faisaient déjà cette différenciation. Si ces deux types sont transformables en farine et en moussache,les Maniocs doux peuvent être consommés comme légumes.
Le R.P. Du Tertre a fait une distinction beaucoup plus large. Selon lui, il existait six ou sept sortes de Manioc, que les habitants reconnaissaient de la façon suivante : « par la couleur des queues, des côtes des feuilles, ou de l’écorce de la racine. Le Manioc violet a une écorce sur sa racine, de l’épaisseur d’un quart d’écu, d’un violet fort brun ; mais le dedans est blanc comme neige. Celui-ci fait le pain de meilleur goût, et dure davantage en terre que les autres. Le Manioc gris a l’écorce du bois et de la racine grise, et est fort inégal ; car quelquefois il rapporte beaucoup, quelquefois fort peu ; le pain n’en est pas mauvais. Le Manioc vert, appelé ainsi à cause de la verdure de ses feuilles, qui sont drues et plus vertes que les autres, rapporte beaucoup, il n’est jamais dix mois à être bon, et fait d’excellent pain ; mais il ne se conserve pas longtemps en terre. Le Manioc blanc a l’écorce du bois blanchâtre, celle de sa racine, avec le dedans est jaune. Il vient en six ou sept mois, il rapporte beaucoup de racines, mais elles se résolvent toutes en eau ; de sorte qu’encore que le pain en soit jaune comme de l’or, et de très bon goût, on n’y trouve pas son compte, et peu de personnes en font, il n’y a que ceux qui sont pressés qui n’ont point de Manioc planté, qui plantent de celui-ci, pour en avoir bientôt. Il y a une sorte de Manioc assez rare, que l’on appelle Kamanioc : il est si semblable au Manioc blanc, qu’on ne les saurait distinguer qu’avec peine. On le fait cuire tout entier comme les patates, et on le mange sans exprimer son suc, et sans qu’il fasse aucun mal… »
Tout cela est fort compliqué, nous nous maintiendrons à la classification en Maniocs amers et Maniocs doux.
Les Maniocs amers
Ils comprennent notamment le Manihot utilissima Pohl ou Manihot esculenta Crantz, que les Caraïbes connaissaient sous le nom de « Kière ». Les tubercules de ces Maniocs renferment un principe toxique, la manihotoxine, qui, hydrolysée par une enzyme, donne plusieurs produits dont l’acide cyanhydrique, véritable poison pour l’homme. Fort heureusement, cet acide disparaît par le lavage et la cuisson.
On connaissait déjà la toxicité des Maniocs amers au 17e siècle, comme le prouvent les écrits des premiers chroniqueurs. « On regarde ce suc comme un poison, non seulement pour les hommes, mais aussi pour les animaux qui en boivent ou qui mangent de ces racines avant que le suc en soit exprimé », écrivit le R.P. Du Tertre. Le Père Labat affirma : « qu’il n’est pas un poison malfaisant quoiqu’il cause la mort ; mais qu’ayant trop de substance, l’estomac des animaux ne peut le digérer, et qu’ils en sont étouffés. Ce qui paraît en ce que les animaux qui en meurent n’ont point du tout les parties nobles altérées, mais seulement la poitrine enflée ». (Nouveau voyage aux Iles Françaises de l’Amérique – 1694). Récemment, on signala le cas suivant : « d’une mère de famille qui a fait cuire comme des Ignames ce qu’on lui avait vendu pour des Maniocs doux mais qui était en réalité des racines de Manioc amer. Ses trois enfants de trois, cinq et sept ans qui en avaient mangé en sont morts et l’autopsie a révélé une hydrolyse du sang, les globules rouges étant devenus couleur chocolat, caractéristique de l’action de l’acide cyanhydrique. » (France-Antilles, mardi 4 juillet 1978).
Les contrepoisons
Dès le 17e siècle, les contrepoisons étaient nombreux, mais leur efficacité demeurait douteuse. Le R.P. Du Tertre conseillait trois remèdes. Le premier consistait à faire boire au malade de l’huile d’olive avec de l’eau tiède pour qu’il vomisse, ce qui donnait, selon lui, un bon soulagement. Le second remède était d’avaler une grande quantité de jus d’ananas avec quelques gouttes de jus de citron. La troisième médication était de prendre le suc du Bois-couleuvre. Voici ce que proposait le Père Labat : « Les différentes expériences que j’ai faites de ce suc m’ont convaincu qu’outre cette abondance de substance nourrissante, une partie de sa malignité consiste dans sa froideur qui arrête la circulation du sang, engourdit les esprits et cause enfin la mort sans offenser les parties nobles de l’animal : la raison sur laquelle je me fonde, est que le meilleur remède qu’on ait trouvé jusqu’à présent pour sauver la vie des animaux qui en ont bu, est d’exciter en eux de violents mouvements en les faisant courir le plus vite que l’on peut, les échauffant en leur faisant avaler de l’eau-de-vie la plus forte avec de la thériaque, après leur avoir fait avaler de l’huile pour les exciter à rejeter ce qu’ils ont pris ; en un mot, en réveillant les esprits, et mettant le sang en mouvement ».
Les Maniocs doux
Appelés Camaniocs (ou Can-maniocs), Manihot Dulcis Pax, Manihot utilissima Crantz, variété Aïpi et autres Camaniocs dans nos îles. Ils présentent le même aspect général que les Maniocs amers. Chez les premiers cependant, l’épiderme du tubercule est épais et se détache facilement ; chez les seconds, il est très mince et adhérent, d’où la nécessité du grattage.
Le Camanioc se mange bouilli comme les autres tubercules.
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