Qu’est-ce qu’un nègre marron ?
« On appelle marron l’esclave qui s’enfuit. Aucun auteur, à notre connaissance du moins, n’a donné l’origine, ni l’étymologie de ce terme. Il nous vient, sans doute à nous, des Espagnols, qui appelaient cimarron le nègre fugitif.
Ils appliquaient primitivement ce terme aux animaux qui, de domestiques, devenaient sauvages, lorsqu’un accident quelconque les éloignaient du milieu des hommes, et c’est pour cela sans doute qu’ils l’ont étendu jusqu’à leurs nègres. Puisque l’on dit cochon marron, pourquoi ne pas dire nègre marron ?
Il y eut des marrons dès qu’il y eut des esclaves. (…) »
Aux Antilles Françaises, comme dans toutes les sociétés esclavagistes antillaises, les esclaves n’acceptèrent jamais leur condition et ont toujours lutté, par tous les moyens, contre leurs oppresseurs. Les formes de résistance au système esclavagiste furent très diverses – Résistance quotidienne (vols, sabotages, ironie, etc.).
QUELQUES MARRONS :
POLYDOR
«Je commencerai par citer Polydor, nègre intrépide et entreprenant qui, en 1703, se forma une bande de nègres marrons, avec laquelle il attaquait et massacrait impunément les blancs jusque dans leurs maisons, portant l’audace et le crime jusqu’à leur enlever leurs filles et leurs femmes. On marcha en vain contre lui, on ne put jamais le joindre. Ce ne fut qu’après sept ans des plus cruels excès qu’ayant commis un acte de violence envers un de sa bande, il en fut assassiné.
CHOCOLAT
« Trois ans après un autre nègre ni moins barbare, ni moins courageux, nommé Chocolat, lui succéda. Il eut bientôt formé sa bande, et il se mit à commettre les mêmes atrocités ; plus adroit et plus fin que Polydor, il les eut poussées bien plus loin s’il ne se fut noyé en traversant la rivière à Limonade, après avoir inquiété et pillé les blancs pendant près de douze ans.
MANCANDAL
« Diverses circonstances ayant conduit plus de blancs dans la colonie, les campagnes s’étant établies, ce moyen ne parut plus praticable aux esclaves entreprenants pour exécuter leur projet. Un nègre nommé Mancandai François, homme profondément méchant et habile à capter les esprits de ses semblables, s’en empara au point qu’ils portèrent pour lui le respect, la confiance et la vénération jusqu’au plus grand fanatisme : ils croyaient fermement que Mancandal était envoyé tout exprès du ciel pour délivrer tous les esclaves du joug, et que dussent-ils même mourir pour lui, ils ne feraient que retourner dans leur patrie au sein de leur famille, recevoir la récompense due à leur courageux dévouement. Quand Mancandai crut être bien assuré de l’esprit de tous les esclaves, il recourut à un moyen d’autant plus perfide et plus sûr, qu’il était difficile de s’en garantir. Il employa, au lieu de fer, le poison, qui ne laissait aucune trace de la main qui l’avait préparé. Dès 1748, il fit des ravages effroyables dans les villes et dans les campagnes : les blancs ne mangeaient plus qu’en tremblant. »
Cité par Victor Schoelcher : Des Colonies Françaises. pp. 105-106.
LES NÈGRES MARRONS DE LA MONTAGNE NOIRE
Il y avait un grand nombre de nègres marrons ou fugitifs, qui s’étaient retirés en un endroit appelé la Montagne Noire. On disait qu’ils étaient bien au nombre de six à sept cents hommes et femmes ; que tous les hommes étaient armés ; qu’ils avaient escarpé les endroits accessibles, par lesquels on pouvait aller à eux pour les attaquer ; qu’ils avaient fait des abatis d’arbres et des retranchements, où ils faisaient une garde exacte pour n’être point surpris. On parlait, dans le temps que j’étais à Saint-Domingue, d’assembler des gens de bonne volonté pour les aller enlever; mais personne ne se présentait pour cette expédition, où il ne paraissait que des coups à gagner, et peu de profit à faire. Ceux qui auraient pu l’entreprendre étaient seulement les chasseurs ou les boucaniers, qui fréquentent ces endroits, et qui en savent tous les chemins et les défilés ; mais ces mêmes chasseurs ne se souciaient pas de réduire ces nègres, parce qu’ils trouvaient leur compte avec eux. Ils leur fournissaient des chevaux marrons, des cuirs et des viandes boucanés à un prix fort bas, et prenaient en échange de la poudre, des balles, des armes, des toiles et autres choses dont ils avaient besoin, que ces chasseurs leur survendaient excessivement.
Quoique ce trafic fut secret, il n’a pas laissé de venir à ma connaissance : et comme il y est venu, il a pu venir à celle de bien d’autres. En effet, on était persuadé, et on en murmurait hautement. Cela obligea enfin les chasseurs, pour effacer l’idée qu’on avait de leur peu de fidélité, d’offrir d’aller à cette expédition à compagnon bon lot, à la manière de la Flibuste ; c’est-à-dire que ceux qui seraient pris seraient partagés entre les preneurs, et que pour sûreté des estropiés, les habitants s’obligeraient solidairement à leur récompense. On ne voulut point accepter ces conditions, parce que tout le profit aurait été tout entier pour les chasseurs. Ainsi la chose en demeura là. Il me semble qu’on aurait dû partager le différend en deux, afin de chasser les nègres marrons de cet asile, qui est d’un exemple pernicieux pour les autres esclaves.
Père Labat : Nouveau voyage… t. IV, pp. 119-120.
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