Découverte

Flibustiers Corsaires et Pirates

L’histoire des Antilles foisonne de récits (de corsaires, de pirates, de flibustiers et de boucaniers, que l’imaginaire a amalgamé et dont les images mythiques se sont formées jusqu’à nous parvenir auréolées de prestige. Mais, qui étaient-ils en réalité, pourquoi un tel essor dans notre région ? Quels étaient les membres les plus en vue de la profession dont le but commun a été de sillonner ou de ravager la mer des Caraïbes, le Golfe du Mexique, l’océan Atlantique pour l’or, la gloire ou l’aventure ? Si l’on en croit Philippe Gosse dans son Histoire de la Piraterie, même s’il existe des différences entre Corsaires, Pirates et Boucaniers, elle n’est pas des plus faciles à déterminer pour certains.

Le pirate est défini par Webster comme « un voleur en haute mer; celui qui par la violence ouverte s’empare en mer des biens d’une autre personne, spécialement celui qui fais métier de croiser pour voler ou piller. 
Un écumeur des mers. Il s’approprie en général, les navires de toutes la nations dans toutes les eaux…, »

D’après les différents chercheurs, la piraterie apparaît très tôt dans l’histoire; on admet ainsi qu’elle a commencé avec le développement du commerce entre les différents états. Les premiers exploits des pirates de l’Antiquité remontent, semble t- il, au pillage des cargaisons d’épices et de soie venant de l’Inde par les tribus de la Mer Rouge. Au cours des siècles suivants, particulièrement aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle, la piraterie a sévi en Amérique Centrale et dans les Caraïbes.

En effet, deux raisons, d’ordre historico-économique d’une part, et géographique d’autre part, concourent à son développement :

1°) La découverte et la colonisation par les Espagnols de contrées riches en or, en argent, et en pierres précieuses. Car leur seul souci a été d’en tirer le maximum de profit et de, rapatrier sur des flottes de galions le plus de richesses possible.
A titre d’exemple, avec la mise en exploitation des mines de Potosi du Crand Pérou vers 1545 (la Bolivie n’existe pas encore comme état), la production annuelle des mines d’Amérique espagnole, atteint environ 267 000 kilos d’argent et 5 400 kilos d’or (l’europe ne produit, elle par an et à la même époque, que 60 000 kilos d’or). Les Espagnols sont alors obligés d’augmenter leurs convois de galions difficiles à manoeuvrer en haute mer, et subissant, dès leur dispersion en mer des Caraïbes, les feux de tous bords des pirates.

2°) L’environnement géographique de ces contrées qui offrent un foisonnement d’îles de peu d’intérêt pour l’Espagne, mais, oh combien, convoitées par les autres nations européennes avides elles aussi, d’avoir leur part du gâteau.
Ces îles possèdent, en effet, « des criques, des plages, des pointes, des rochers, des récifs, bref toutes les facilités pour guetter, surprendre, attaquer », les riches « flotas » sur leur chemin de retour.

A la différence des Pirates qui opèrent à n’importe quel moment, les Corsaires apparaissent particulièrement en temps de guerre: « (…) Ils font la course qui devient une arme de guerre parmi d’autres », c’est-à-dire qu’ils arment, des navires avec l’autorisation plus ou moins explicite d’un gouvernement pour combattre le commerce naval d’un état ennemi. Il est bon de rappeler qu’aux XVIe et XVIIe siècles, l’excitation de la convoitise des autres nations européennes à l’encontre des possessions espagnoles et portugaises est à son comble. Ces états (France, Angleterre, plus tard la Hollande), n’ont jamais bien accepté la bulle d’Alexandre VI, partageant le monde entre les deux puissances ibériques.

Entre 1523 et 1600, les corsaires français: Jean Ango (1523), Jean Le Clerc (1553); les corsaires anglais: John Hawkins (1565) et surtout Francis Drake (1568 -1577) multiplient les exploits pour affaiblir les flottes espagnoles et portugaises, maîtriser les routes maritimes et surtout annuler « la ligne de marcation ».
La vive contestation de cette dernière fit rétorquer par Elisabeth 1ère à l’Ambassadeur d’Espagne, venu se plaindre des méfaits de Francis Drake, cette phrase devenue célèbre « L’usage de la mer et de l’air est commun à tous. Et aucun titre quelconque à l’océan ne peut appartenir à aucun peuple, ou à aucun particulier, étant donné que leur nature, ni la condition de l’usage public, ne permet aucune possession de l’air, ni de la mer… »

Clark Russel dans « La vie de William Dampierre » (pirate ou corsaire anglais), les dépeint « (…) comme une communauté d’hommes sauvages, hirsutes, farouches et sales. C’étaient surtout des colons français, dont le nombre avait été de temps à autre accru par de larges contributions provenant des bas-fonds de plus d’une ville ou cité européenne… Ces gens étaient vêtus d’une chemise et d’un pantalon de grossière toile qu’ils trempaient dans le sang des animaux qu’ils tuaient. Ils portaient une casquette ronde, (les hottes de cuir de porc montant le long de la jambe, et une ceinture de peau non tannée, dans laquelle ils fourraient leurs sabres et leurs couteaux. Ils s’armaient également de mousquets… Les lieux où ils séchaient et salaient la viande étaient appelés « boucans ». c’est de cette expression que vint le nom de « boucaniers ».
Ils chassaient et abattaient les bêtes à corne et trafiquaient de leur chair, leur nourriture préférée était la moelle crue des os des bêtes qu’ils venaient de tuer. Ils prenaient leurs repas et dormaient à même le sol, leur table était une pierre, leur traversin le tronc d’un arbre et leur toit… le ciel chaud et étincelant des Antilles… »
Les boucaniers prospérèrent surtout au milieu du XVIIe siècle; après leur éviction d’Hispaniola par les espagnols, ils s’établirent dans une petite île au large de la côte nord ouest: L’île de la Tortue… Ils y construisirent un fort et y installèrent une sorte de république jusqu’à leur annexion par la France qui y nomma un gouverneur; s’établit alors une communauté mixte de planteurs et de boucaniers.

L’île de la Tortue acquit une renommée qui attira toutes sortes d’aventuriers sans foi, ni loi, voulant faire fortune rapidement, au détriment d’un seul ennemi: l’espagnol…
Tortuga devint, bientôt l’entrepôt du boucan et des peaux venues d’Hispaniola, ainsi que du butin pris sur les espagnols et qui était troqué contre l’eau de vie, les canons, la poudre et les étoffes provenant des navires français ou hollandais qui y faisaient relâche… « 

En 1678, on publia un livre « Histoire des Aventuriers flibustiers qui se sont signalés dans les Indes » sorte de journal de bord écrit par Oexmelin, chirurgien-barbier, vivant parmi ces aventuriers . Il y décrivit les plus remarquables agressions commises, contre la côte des Antilles, par les boucaniers de la Jamaïque et de la Tortue aussi bien anglais que français, et surtout leur mode de vie, leur organisation, et les règles qu’ils observaient.
En effet attaquer un galion espagnol surtout à la manière du boucanier français Pierre Legrand, (en 1665, ce dernier avait accompli l’exploit, au moyen de sa petite embarcation mue à l’aviron avec une voile, de s’emparer d’un richissime galion espagnol), n’était pas une mince affaire.

Oexmelin nous donne une idée dans son ouvrage des « Prémices d’une expédition ».
« (… ) Ils s’associent 15 ou 20 ensemble, tous bien armés d’un fusil de 4 pieds de canon, tirant une balle de seize à la livre, et ordinairement d’un pistolet ou de 2 à la ceinture.. Avec cela, ils ont un bon sabre ou coutelas. La société étant formée, ils choisissent un d’entre eux pour chef et s’embarquent sur un canot qui est une petite nacelle d’une seule pièce, faite du tronc d’arbre qu’ils achètent ensemble, à moins que celui qui est le chef ne l’achète lui seul à condition que le premier bâtiment qu’ils prendront sera à lui en propre ».

Ensuite, ils s’occupent de l’approvisionnement en vivres:
« (… ) Quand il se trouvent 30 ou 40, selon le nombre qu’ils ont concerté et la grandeur de leur barque, ils pensent à l’avitailler, et ils le font sans débourser d’argent.
Pour cela, ils vont en certains lieux épier les Espagnols qui ont des coraux ou des parcs pleins de porcs, ils forcent ceux qu’ils peuvent surprendre à leur apporter 20 ou 300 porcs gras selon qu’ils en ont besoin… pendant que les uns salent ces porcs, les autres amassent du bois et de l’eau pour le voyage…) ». Et ils déterminent les obligations que chacun est tenu d’observer:
(…) ils font un accord qu’ils nomment entr’eux chasse-partie pour régler ce qui doit revenir au capitaine, au chirurgien, aux estropiés, chacun selon la grandeur de son mal. L’équipage choisit 5 ou 6 des principaux membres avec le chef ou capitaine, pour faire cet accord qui contient plusieurs articles ». Ces articles spécifient de manière détaillée, la somme d’argent que chaque personne recevra pour le voyage, la source des paiements étant le résultat d’ensemble produit par toute l’expédition, car par ailleurs, ils obéissent à la même loi que tous les autres pirates: pas de butin, pas de solde… ».
La répartition du butin était faite de façon précise:
– le capitaine recevait à part une solde pour son navire. ainsi que le charpentier qui réparait. et le chirurgien. – la part prise par les provisions était enlevée sur le fond commun.
Après prélèvement de ces sommes une répartition égale était faite entre les membres de l’équipée prenant tout de même en compte quelques situations: celle du capitaine, du chef d’expédition et du second qui se voyaient allouer 5 ou 6 fois la part d’un simple matelot: le détournement de quoi que ce soit à son profit mettait l’individu en condition d’être expulsé sans délai.

Par contre, ils avaient institué une sorte de sécurité sociale dont le code tarifait la perte de différents membres des organes vitaux.
perte du bras droit: 200 écus ou 2 esclaves
perte d’un pied ou d’une jambe: 200 écus ou 2 esclaves
perte d’un Gril: 100 écus ou 1 esclave
perte de 2 yeux: 600 écus ou 6 esclaves
perte d’un doigt ou d’une oreille: 100 écus ou 1 esclave

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