Découverte

La maison antillaise

La maison antillaise

Une épaisse couverture de feuilles en rendait le séjour plus agréable que celui des chaumières de France, au dire des anciens chroniqueurs. A la fin du siècle, le P. Labat signale le matériau idéal pour ce genre de construction : le palmiste, dont le tronc brûlé seulement à l’extrémité qu’on enfonce dans le sol, fournit les poteaux ; fendu en deux, il procure encore sablières, sol, faîtages et chevrons ; fendu en huit ou dix parties, il donne des lattes où l’on peut tailler les chevilles qui les fixent ; les feuilles reliées ensemble par leurs folioles tresées sont les tuiles végétales les plus résistantes puisqu’elles peuvent tenir le toit de 8 à 10 ans. La case comportait ordinairement trois pièces, une salle, une chambre et un garde-manger, ce dernier de, tradition européenne, a disparu plus tard. (nota Bertrand : on observe la même disposition dans les cases caraïbes décrites par le R. P. Du Tertre).

Son toit était bas afin d’offrir moins de prise aux coups de vent, elle apparaissait propre, quelquefois coquette, et sa légèreté, l’assemblage des cloisons au moyen de chevilles offraient l’avantage de la déménager aussi facilement crue le mobilier qu’elle abritait ».
(Les Défricheurs et les petits colons de la Martinique au XVIIe siècle).

La maison est installée sur une élévation permettant la surveillance aisée du domaine, ainsi que l’aération et l’assèchement du logis. Surtout en ce XVIIe siècle nous sommes dans deux îles pleines de marécages et de moustiques, porteuses de fièvres et malaria. Avec le développement de la concession, le domaine s’enrichit de nouvelles installations d’exploitations, « la ménagerie » qui comporte : la case à manioc ou « gragerie », la case à pétun, l’indigoterie, les logis des torqueurs, des commandeurs et des esclaves, ces derniers s’y trouvant en nombre très réduit chez le petit colon. Là où il n’y aura pas de culture de canne à sucre, il n’y aura pratiquement pas d’esclaves, comme c’est le cas de l’île Saint-Barthélémy.

LA MAISON RURALE
Toujours en bois, car aux îles (et jusqu’à nos jours) c’est le matériau le plus sain, le plan classique de la maison rurale comporte le logis, la cuisine, l’écurie et le clapier, le tout placé sur une terrasse naturelle et aux ouvertures orientées vers les alizés. Les dépendances (cuisine, écurie, clapier) sont situés sous le vent du logis principal.
Habitée par les campagnards, dont la vie se partage entre le travail saisonnier de la canne et leur minuscule « jardin à légumes », cette case est située en indépendance totale des chemins de communication. La case comporte deux pièces, dont une est complètement aveugle et sert de chambre à coucher, tandis que l’autre, à trois ouvertures (une fenêtre et deux portes) sera la salle à manger et chambre à visites. Extensible à peu de frais, car on peut ajouter de nouvelles pièces selon les besoins de la famille, on y ajoute parfois une galerie, où la famille et surtout les enfants en bas âge y passent leur temps, surtout à la saison des pluies.
Le toit, très incliné, est comme la galerie, signe de prospérité quand on réussit à changer la tôle par des tuiles. Cette case était construite tres souvent jusque vers les années 1960 en gaulettes, et couverte de paille de canne.
Depuis plusieurs années , les constructions en série sur des terrains lotis par les municipalités remplacent ces cases par des maisons plus modernes, en « dur » assez bien conçues, quoique leurs chambres soient petites. Mais il y a lieu de regretter surtout l’absence de l’espace chez ces campagnards, dont les « jardins à légumes » étaient un appoint à leur revenus, comme aussi la possibilité du petit élevage. Car sous les Tropiques, la maison est un abri tandis que l’essentiel de la vie quotidienne se passe dehors. Remarquons que les Antilles ne possèdent pas de fermes, car ces îles n’ont pas une véritable paysannerie mais des ouvriers agricoles plus ou moins à l’aise.

La maison rurale, chez les gens aisés, sera toujours en bois, mais couverte de tuiles, avec galerie, et persiennes aux fenêtres. Elle a une entrée-salon, deux chambres à coucher, une salle à manger et des dépendances, celles-ci toujours séparées du logis principal.
C’est le style de ce type de maison qui servira aux maisons de vacances sur les propriétés des citadins des îles, et où on trouvera de fort jolis jardins de fleurs et arbres tropicaux ainsi qu’un magnifique mobilier du style colonial.

L’HABITATION
Outre la maison à galerie, c’est la maison-habitation qui a su réunir les qualités de confort et de style propres aux Tropiques. C’est un logis en maçonnerie, implanté sur un morne et conçu selon un plan, toujours le même : une bâtisse rectangulaire flanquée de deux galeries, dont une généralement couverte. Le toit, en tuiles, descend en pente douce. Le grenier sert d’étage habitable. Les pièces sont spacieuses, hautes de plafond, et où les meubles du style colonial, en bois massif et fort beau, y trouvent leur place et donnent une impression de vie quiète et patriarcale.

Parfaitement bien orientée, ces habitations sont ton-jours fraîches et le R. P. Delawarde note dans son essai de géographie humaine que :
l’esprit de ces demeures, analogue à celui des constructions espagnoles en Amérique, procèdent de cette décision des premiers colons de demeurer et de faire souche sur place. On n’avait pas adopté alors un style colonial, on élevait des maisons petites, sans galeries, assez souvent à un étage, avec un escalier extérieur, comme celles des provinces françaises d’où l’on venait. Mais on les faisait pour durer. Leurs fortes murailles défieront encore longtemps les intempéries et même les cataclysmes. Elles furent construites pour résister aux cyclônes et aux tremblements de terre, ? ce que l’on ne peut pas dire aussi absolument des maisons modernes, ? avec d’abondants moellons charriés par les esclaves et noyés dans un mortier de formule empirique où entraient des cendres, du sirop de canne, de la chaux madréporique ou faite de coquillages, comme en sont la preuve des fragments qu’on y trouve. Les murs s’élèvent épais, avec des pierres d’angle bien taillées. L’appareil, de moyenne grosseur, offre la couleur foncée et le rude toucher des pierres andésiques, de beaucoup plus nombreuses avec les dacistes parfois détachées en feuillets.
…Il arrive cependant que l’impression de robustesse que donnent ces constructions trapues soit mal fondée car, démolissant certains murs très épais et élargis à leur base, on y trouve, entre deux parements convenablement faits, un mortier peu liant où domine la terre grasse ou la cendre ; on avait manqué de chaux. Les ouvertures des anciennes maisons sont médiocres, les baies, parfois cintrées, ont un encadrement de pierres taillées, l’intérieur est un peu obscur mais toujours frais. Un millésime du XVIIIe siècle apporte quelquefois une certitude ».
(La vie paysanne à la Martinique).

L’habitation sera non ,seulement un type de maison, mais une véritable unité agricole, menée par un propriétaire avec une main-d’oeuvre servile et dont les produits sont industrialisés de manière artisanale et destinés à l’exportation. Elle sera la base de la colonisation des îles et de la prospérité de ces habitations dépendra toute la vie et l’organisation des îles.

Comme la concession des défricheurs, qui demeure le prototype, l’habitation comporte :
a) le bâtiment principal, servant de logement,
b) les bâtiments de production : distillerie, indigoterie, gragerie de manioc, hangars à pétun, moulins à boeufs, etc…
c) les bâtiments de logement du personnel : torqueurs, commandeurs et « la rue cases-nègres » ou les cases des esclaves.
Très souvent le logis ressemblera à une maison aisée des campagnes françaises ; mais le type maison-forteresse prédominera, dont les portes ? et fenêtres à battants en bois plein et dur, ferment complètement le bâtiment. Une muraille de pierres et maçonnerie l’entoure.

LA MAISON MODERNE
Il n’existe pas une maison tropicale moderne, le style de l’architecture actuelle ayant pénétré aux îles. L’augmentation de la population antillaise oblige à une politique de constructions de blocs, dont il ne semble pas qu’on ait trouvé une solution adaptée aux Tropiques. Bruit, chaleur, manque d’espace dans des pays à soleil sont des inconvénients généraux. Le système du crédit à la construction applique dans le climat chaud les normes des maisons à climat froid ce qui se traduit par des pièces de 3/3 m., manque de terrasses et petites ouvertures. L’aération demeure l’exigeance principale, laquelle, comme conséquence impose l’étude des ouvertures. Il s’agit d’assurer des ouvertures conçues de manière à ne pas communiquer les bruits des voisins (radio, télévision, enfants et bébés) . A l’exposition universelle de Montréal un type d’habitat fut exposé qui pourrait être une nette amélioration de la construction en série et à bon marché. Il s’agit de placer les appartements à la manière des couches d’une colline, le toit d’un appartement servant de jardin et terrasse à celui de l’étage supérieur. Outre les besoins d’un confort spécifique, les urbanistes et les architectes qui construisent dans ces îles ont de vastes problèmes à résoudre comme l’arrasement des vieux quartiers, adduction d’eau, assèchement et affermissement des sols, etc… La ville de Pointe à Pitre réalise depuis quelques années le plus vaste programme d’urbanisation et logements en série des Antilles Françaises et constitue un excellent champ d’expérience. En partant des dossiers de cette ville, il apparait certain qu’une amélioration peut être réalisée tant dans le style que dans les normes de financement d’un logement spécifiquement tropical, et permettra d’ériger à la Guadeloupe et en Martinique un habitat aussi agréable que le fût celui du passé.
Il y a aussi lieu de tenir compte des recherches et des réalisations des logements pour climat chaud du Brésil et du Mexique, en souhaitant que le public comme les architectes puissent être informés et, à la rigueur, y aller sur place pour étude.

Anca BERTRAND.

Abonnez-vous à notre newsletter et recevez en priorité les derniers articles.